Qu’on croit en la survivance de l’âme ou pas, qu’on croit en une vie après la vie ou pas, qu’on ait des croyances, des certitudes, religieuses ou spirituelles, ou pas, une chose est certaine : nous sommes vivants, ici et maintenant. Nous avançons sur cette Terre avec notre histoire, nos forces, nos faiblesses, nos joies, nos chagrins, nos ressources et nos traumas… Et au fond, nous aspirons tous à être en paix avec nous-mêmes.
Rien n’est plus terrible que de vivre avec des remords, avec une culpabilité qui ronge… Nous n’avons pas de pouvoir sur tout. C’est ainsi. Mais nous avons du pouvoir sur ce que nous semons (s’aimons), sur ce que nous créons dans la vie. Nous avons du pouvoir sur ce que nous sommes, sur nos pensées, nos paroles, nos actes – et donc sur leurs conséquences. Vivre avec authenticité. Vivre en conscience. Conscience de l’impact de nos pensées, de nos paroles et de nos actes sur notre vie, sur les autres, sur nous-mêmes.
Peu importe que nous soyons convaincus d’avoir choisi ces épreuves et ces rencontres d’âme avant de nous incarner ou pas. Peu importe que nous pensions que tout est écrit ou non. Car au final, nous les vivons, ces rencontres. Nous les traversons, ces épreuves. Et nous subissons ou assumons les conséquences de nos choix, de nos actes, de ce que nous créons ici et maintenant.
Je vais parler de mon histoire.
Quand Stéphane est décédé, j’avais 21 ans. Nous vivions ensemble depuis cinq ans. Nous nous aimions profondément. Mais nous étions jeunes, immatures, étouffés par notre ego. Il est mort à 25 ans, en mission militaire, à 8 000 km de chez nous, parti pour quatre mois. Et nous étions en froid. Une dispute, au final absurde, une histoire d’orgueil. Chacun campé sur ses positions, incapables de nous dire notre amour, de reconnaître nos torts, de nous montrer vulnérables. Et il est mort.
Au-delà de la souffrance de sa disparition, j’ai longtemps porté une culpabilité écrasante. Des années à regretter de ne pas lui avoir avoué certaines erreurs, de ne pas avoir dépassé ma fierté pour lui dire que, malgré tout, je l’aimais. Car oui, malgré tout, je l’aimais. Des regrets aussi qu’il n’ait pas, lui non plus, eu cette capacité à lâcher prise et à ouvrir son cœur pleinement.
Les personnes ayant vécue une Expérience de Mort Imminente (ou Provisoire, est un terme plus adapté) parlent souvent d’une revue de vie au seuil de la mort. Moi, je l’ai vécue à travers sa mort à lui. J’ai revu mes pensées, mes actes, ce que j’avais été avec lui. J’ai ressenti, dans mon âme, dans mon cœur, ce qu’il avait lui-même ressenti. J’ai revécu ces moments de mon point de vue et du sien. Et ça a été un choc. Une claque. Une illumination. « Comment as-tu aimé ? » La réponse a été implacable : mal. J’avais aimé. Mais j’avais mal aimé. J’avais aimé à travers mon ego, à travers mes blessures, mes peurs, mon mental. Je lui avais fait du mal. Je m’étais fait du mal. Et mon mal perdurait. Les remords et la culpabilité se sont ajoutés à mon deuil.
Ce jour-là, ces prises de conscience m’ont transformée. Plus jamais je ne vivrais de la même façon. J’ai décidé de vivre en conscience, d’Être pleinement. Être avec authenticité. Être au-delà de mes peurs, de mes doutes, de mes traumas, de mes conditionnements, de mon orgueil, de mon ego.
Denis est mort cet été. Mais cette fois, je ne porte aucune culpabilité. J’ai été moi, dans toute ma vulnérabilité, dans toute ma fragilité, à nu, authentique, en conscience et j’ai aimé dans toute ma vulnérabilité, au-delà de mon Ego. Et c’est un soulagement immense. Cela n’enlève pas la douleur de sa mort, ni le déchirement de son absence, mais cela me permet de traverser cette épreuve avec plus de paix.
Je suis intimement persuadée que, quelles que soient nos croyances sur la vie, l’après-vie ou la mort, notre mission est avant tout d’Aimer. D’expérimenter l’amour sous toutes ses formes. De nous rapprocher de cet amour inconditionnel* – cet amour qui ne dit pas « je t’aime si… », mais simplement « je t’aime ». Cet amour au-delà de l’ego.
Cela demande avant tout d’apprendre à s’aimer soi-même. À s’accepter dans toute notre complexité, dans toute notre vulnérabilité. À dépasser nos blessures, nos conditionnements, nos peurs, nos masques. Car ce n’est qu’en s’aimant pleinement que nous pouvons offrir cet amour au monde, vivre avec authenticité et en conscience.
Cette conscience que nous sommes tous interconnectés.
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*L’amour inconditionnel, ce n’est pas aimer sans limites ni se nier soi-même pour l’autre. Ce n’est pas accepter l’inacceptable ni tout pardonner aveuglément. C’est un amour qui ne dépend pas des attentes, des blessures, des manques ou des conditions. C’est aimer l’autre tel qu’il est, sans vouloir le changer, tout en s’aimant soi-même avec la même bienveillance. C’est un amour libre, profond, ancré, qui ne cherche pas à posséder mais simplement à être.
